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Sept. 2001 : Publication du Livre blanc des transports.
La Commission Européenne constate l’existence de goulets d’étranglement aux deux extrémités de la chaîne des Pyrénées dans Le Livre Blanc, la politique européenne des transports à l’horizon 2010. C’est un problème essentiellement routier qui provient des 15 000 camions qui franchissent chaque jour les Pyrénées au Biriatou et au Perthus.
Pour tenir compte des nouveaux besoins européens en matière de transports, identifiés dans le Livre Blanc, une modification du « Schéma transeuropéen des transports » est devenue nécessaire.
Juin 2002 : Conseil des Ministres européens
Une première proposition de « Révision du schéma transeuropéen des transports », a été refusée en juin 2002 par le Conseil des Ministres européens. Le projet de traversée des Pyrénées y figurait alors sous le nom de « Traversée ferroviaire Centrale des Pyrénées ».
Décembre 2003 : Conseil des Ministres européens
La deuxième proposition de « Révision du schéma transeuropéen des transports », est acceptée le 5 décembre 2003 par le Conseil des Ministres européens. Cette fois, le projet de traversée des Pyrénées y figure sous le nom de « Nouvelle ligne ferroviaire transpyrénéenne à grande capacité » et fait partie du projet n°16 d’« axe de fret Sines/Algésiras-Madrid-Paris ».
Lors de ce Conseil des Ministres européens des Transports, la « Nouvelle ligne ferroviaire transpyrénéenne à grande capacité » est classée parmi les projets prioritaires et déclarée d’intérêt européen. C’est un « coup d’accélérateur » donné aux projets prioritaires, en particulier les projets transfrontaliers, car les pays devront se justifier auprès de l’Europe en cas de retard.
Printemps 2004 : Parlement Européen
Le Parlement valide la proposition du Conseil des Ministres et confirme la volonté européenne de n’imposer aucun tracé, en supprimant le terme « central ».
Au niveau européen, on le voit, plus aucune mention n’est faite d’un tracé « central ». Les Etats concernés ne sont toujours pas parvenus à un accord. En fait, la « Traversée Centrale des Pyrénées » (TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées) est défendue à un autre niveau : elle fait l’objet d’un lobby interrégional.
Au niveau régional, et avec des fonds destinés à la coopération entre les régions SUDOE (Interreg), les régions Midi-Pyrénées, Aquitaine, Aragon et Limousin s’évertuent à faire valoir un tracé bien défini. Il s’agit du tracé par la vallée d’Argelès-gazost, autrement nommé « tunnel du Vignemale », ou « Traversée Centrale des Pyrénées ». Ces régions souhaitent que des trains chargés de fret, empruntent un axe transpyrénéen central passant par un tunnel de 42 km sous le massif du Vignemale, reliant Biescas en Espagne à Pierrefitte-Nestalas en France.
Les moyens que ces régions se donnent sont divers :
Création et soutien financier d’associations de lobbying telles qu’« Eurosud Transport ».
Organisation de colloques et conférences promouvant le tracé du Vignemale, comme celui qui s’est tenu à Tarbes les 23 et 24 janvier 2003.
Diffusion par la région d’un « Livre Blanc » de la traversée centrale des Pyrénées, dans tout le département des Hautes-Pyrénées, à partir de janvier 2004.
Lancement d’un appel d’offres, par la région Midi-Pyrénées, en juillet 2004, pour que des études de faisabilité soient réalisées pour « cette infrastructure reliant Saragosse à Agen selon l’itinéraire du Vignemale ».
Le gouvernement d’Aragon est favorable à la TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées qui permettrait de développer vers l’Europe l’économie du plateau central de la péninsule dont le pôle logistique est Saragosse. Cette TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées permettrait aussi de développer le tourisme dans Pyrénées espagnoles à condition que la ligne de fret soit doublée par une ligne TGV mettant Madrid à 2h30 des stations de ski.
Dans leurs démarches, les régions bénéficient de l’appui de députés des Hautes-Pyrénées, de même sensibilité politique. Ces députés ont exprimé leur soutien par :
Une proposition de loi déposée par MM. Jean Glavany, Augustin Bonrepaux, Pierre Forgues, David Habib, Jean-Louis Idiart, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Henri Nayrou, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Jean-Marc Ayrault, le13 juin 2003.
Une lettre envoyée à chaque habitant de la vallée d’Argelès-gazost (oct.-nov.-déc. 2003) pour endiguer la mobilisation locale qui ne résulte que d’un travail d’information que nous voulons le plus rigoureux possible.
Ces pressions régionales et parlementaires sont donc favorables à un tracé qui ignore :
Les impacts environnementaux et économiques : elles défendent un tracé sans considérer les spécificités du site concerné.
Les solutions alternatives pourtant moins coûteuses et écologiquement plus acceptables.
Cette carte, extraite du « Livre Blanc de la TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées », Ouvrir en grand les portes de l’Europe (source : région Midi-Pyrénées), montre bien que la zone des études demandées ne concerne par l’ensemble de la chaîne des Pyrénées.
Ce choix exclut d’emblée les solutions littorales, donc les possibilités de connexion avec les « autoroutes de la mer », qui font partie des priorités européenne et nationale.
Le projet de TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées n’est pas un projet véritablement multimodal.
Cette ignorance est injustifiable. C’est une façon de détourner le problème du franchissement des Pyrénées en le ramenant à des intérêts proprement régionaux, faisant fi de l’intérêt général : le coût de l’infrastructure est exorbitant, le tracé central exclut le développement du transport multimodal intégrant les « autoroutes de la mer ».
La région Midi-Pyrénées en outre ignore les problèmes écologiques et socio-économiques engendrés. Trois départements français seraient traversés : les Hautes-Pyrénées, le Gers et le Lot-et-Garonne. De prés ou de loin, 532 000 personnes sont concernées par le projet de la Traversée Centrale des Pyrénées. Les données avancées par la SYSTRA, bureau d’études mandaté en 2002 par la Région Midi-Pyrénées (sur lesquelles doivent s’appuyer les études de l’appel d’offfres), promettent 240 trains circulant à 140 km à l’heure, soit un train toutes les 6 minutes, jour et nuit, une dizaine d’années de travaux et un coût évalué entre 5 et 10 milliards d’euros.
Heureusement à ce jour le gouvernement français résiste aux pressions des régions, des parlementaires et du gouvernement espagnol, favorables à un tracé central. Il en a encore fait la preuve lors du dernier séminaire franco-espagnol à Barcelone, le 16 septembre dernier. Mais combien de temps encore ce rempart nous protègera-t-il ?
Des études en cours doivent dégager des familles de tracés sur l’ensemble de la chaîne des Pyrénées. Ces études seront rendues fin 2004.
Nous étudions avec acuité les arguments avancés en faveur de cette TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées. Nous constatons que ces arguments reposent sur plusieurs principes contestables :
II.1. Une politique ferroviaire volontariste, sans recherche d’une optimisation des modes de transport, au détriment du mode maritime.
II.2. Une ignorance du mode maritime : les études régionales, SYSTRA notamment, ne considèrent que le volume de marchandises transporté « par voie terrestre », ce qui fausse la réflexion sur le transport transpyrénéen. Ceci est une aberration, d’autant que les « autoroutes de la mer » sont une priorité européenne et nationale, puisqu’elles figurent dans le dernier rapport du CIADT (Comité Interministériel pour l’Aménagement et le Développement du Territoire), du 18 décembre 2003.
II.3. Une estimation des flux à venir exponentielle en dépit :
De l’audit gouvernemental de février 2003, qui signale que la baisse du taux de croissance infléchit la progression du trafic des marchandises :
Le taux de progression est fortement dépendant de la croissance économique générale pour les voyageurs mais surtout pour les marchandises : pour une croissance annuelle moyenne du PIB de 2,9% sur la période 1996-2020, les trafics voyageurs et marchandises connaîtraient une augmentation annuelle respectivement de 2, 6 et 3, 1% ; si la croissance économique se limitait à 1, 9% sur la même période, les progressions correspondantes seraient seulement de 2,1 et 1,6%.
D’un tassement de l’évolution des échanges de marchandises aux frontières franco-espagnoles, signalé lors du sommet franco-espagnol à Carcassonne, le 6 décembre 2003 (constat de l’Observatoire franco-espagnol du trafic dans les Pyrénées).
II.4. L’idée fausse d’une nécessaire répartition des flux sur la chaîne, en les reportant sur des zones éloignées des flux existants où s’exercent les demandes.
Cette idée est présentée comme naturelle alors qu’en réalité rien ne la justifie : pourquoi les façades atlantique et méditerranéenne ne pourraient-elles être aménagées à partir des voies existantes ? Pourquoi ne pas exploiter les transversales à l’étude côté espagnol et côté français ? Peut-on rentabiliser une infrastructure construite en dehors des flux ?
Enfin, nous soulignons que ce percement ne résout pas le problème du trafic routier puisqu’à terme celui-ci augmente de 2,8 fois le tonnage actuel (si l’on se fie à l’étude de la SYSTRA, commandée par les régions elles-mêmes).
II.5. L’argument de l’emploi est de tous le plus contestable : le fret ferroviaire n’est rentable que sur de longues distances, il faut plus de 500 km entre deux gares pour qu’il devienne compétitif. Or Saragosse est un centre logistique d’ores et déjà opérationnel : nulle gare de chargement n’est donc à espérer dans les départements du Gers et des Hautes-Pyrénées. Quelles retombées économiques peuvent espérer nos départements simplement traversés par un trafic transcontinental incessant ?
Au regard des pertes d’emploi inéluctables à attendre dans le secteur touristique, cet argument de l’emploi est absolument irrecevable.
Rien ne justifie aujourd’hui que l’on désigne un tracé central, qui implique la destruction d’une vallée supplémentaire des Pyrénées, la vallée d’Argelès-gazost, pour accueillir ce projet transeuropéen.
Trop souvent désignée pour accueillir la « Traversée centrale des Pyrénées », celle-ci refuse de laisser s’installer l’idée d’un anéantissement futur de son environnement et de son économie. Elle revendique d’être considérée pour ce qu’elle est : un pôle touristique et environnemental de la région Midi-Pyrénées.
Ne perdons pas de vue que les questions environnementales et économiques, dans le contexte d’une vallée très fréquentée sont imbriquées.
III.1. Aspects économiques
Le Tourisme
L’attrait de cette vallée est remarquable si l’on considère le flux touristique qui la place en deuxième position, juste après l’Andorre. Cet attrait dynamise le marché immobilier, avec les résidences secondaires, et engendre une forte activité de l’hôtellerie de plein air.
Ce rayonnement touristique a des conséquences diffuses sur l’économie locale, si l’on considère le chiffre d’affaire induit : le touriste qui dépense 1 euro dans une structure d’hébergement dépense en moyenne 3 euros sur place.
Comme le montrent les enquêtes faites par les Gîtes de France, le touriste aujourd’hui recherche authenticité, esthétique et ressourcement lorsqu’il fréquente la moyenne montagne. Ces exigences nouvelles sont inconciliables avec les nuisances occasionnées par un trafic de fret intensif.
L’activité touristique est une garantie de l’équilibre économique en montagne : 1 emploi sur 5, comme l’indique le Journal de l’emploi, dépend de ce secteur.
« Les résidents »
Cette catégorie concerne les habitants qui se sont implantés localement pour la qualité de vie qu’offre le site. Cela concerne bien entendu les retraités, mais aussi une frange de la population qui travaille à Tarbes et Lourdes. Grâce à eux la vallée d’Argelès connaît un fort développement.
Il est évident qu’une atteinte portée à l’environnement déséquilibrerait l’économie locale pourtant florissante.
III.2. Aspects environnementaux
Attachés à notre environnement, nous défendons la qualité de notre site, dont il n’est nulle part question dans les textes favorables à une TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées par un tunnel dit « du Vignemale ».
Le caractère exceptionnel de la vallée concernée par cette TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées bénéficie d’une reconnaissance nationale puisqu’elle fait partie de la Zone périphérique du Parc National des Pyrénées. C’est une garantie de la biodiversité, car elle constitue une « zone-tampon », conçue pour assurer une meilleure protection de la zone centrale. Elle a pour vocation notamment d’accueillir les touristes pour éviter une surpopulation néfaste à l’intérieur du Parc National. Cette zone bénéficie de subventions afin de valoriser son environnement.
En outre, la vallée a été proposée pour le classement en zone Natura 2000 en raison de la faune et de la flore diverses qu’elle abrite. Des espèces protégées, comme le desman, y sont implantées.
Enfin, la vallée d’Argelès-gazost peut se prévaloir de plusieurs sources thermales : des établissements thermaux sont implantés à Argelès, mais aussi à Beaucens et bien-sûr à Cauterets. Or les chantiers du tunnel du Saint-Gothard et du Lötschberg ont montré que le percement d’un tunnel peut avoir des incidences sur les sources souterraines (détournement, tarissement). Nous sommes très inquiets en ce qui concerne les sources thermales qui empruntent des chemins souterrains millénaires et énigmatiques dans le massif du Vignemale et contribuent au prestige de nos vallées.
Nous en appelons à une politique cohérente contre l’asphyxie due aux camions. Or ce projet de TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées consiste au final à défigurer une vallée supplémentaire, jusqu’alors préservée, sans se préoccuper des possibilités offertes par les passages existants à travers la chaîne ou à aménager sur les littoraux. Considérons seulement les données suivantes, fournies par Intermodalite.com :
Le trafic ferroviaire aujourd’hui au travers les Pyrénées correspond dans sa globalité sensiblement au trafic que pourraient assumer Canfranc et Latour de Carol.
La normalisation de l’écartement des voies en Espagne et leur doublement par des voies TGV, permettra de faire franchir à Irun et à Cerbère 15 millions de tonnes annuelles de chaque côté.
La ligne à grande vitesse sous le Perthus pourra acheminer 10 millions de tonnes de fret supplémentaires annuellement.
Ainsi, pour un peu moins de 8 millions de tonnes annuelles qui franchissent les Pyrénées en 2003, nous disposerions déjà, sans percer de tunnel supplémentaire, d’une capacité de plus de 40 millions de tonnes annuelles. Pourquoi ces pistes ne sont-elles jamais évoquées ?
Tout projet de fret ferroviaire n’est pas bon. Toutes les possibilités doivent être envisagées.
Nous ne remettons pas en question la nécessité d’une traversée ferroviaire transpyrénéenne pour le fret. Mais ce projet doit être socialement, économiquement et écologiquement viable. L’amélioration des lignes existantes sur les littoraux, qui permettrait des connexions avec les autoroutes de la mer, est une alternative de moindre coût qu’il serait judicieux de prendre en compte.
La Traversée Centrale des Pyrénées est un projet qui manque de fondement : son coût et les destructions engendrées inquiètent. Les pressions exercées par nos régions, sans tenir compte des populations ni des élus concernés engendre un sentiment de révolte.
Cette indignation est sensible du côté de la population grâce à plus de 5000 signatures qu’a réuni à ce jour notre pétition « Non au tunnel du Vignemale ».
Les élus locaux se sont également élevés : 22 conseils municipaux du canton d’Argelès-gazost sur 23 ont adopté une délibération contre ce projet destructeur au cours du deuxième semestre de l’année 2003.
Enfin, la mobilisation s’est renforcée avec la création d’un Comité de coordination des opposants à la TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées [2] réunissant élus et associations opposés à ce projet de TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées. Ce comité de coordination réunit différentes personnalités, toutes sensibilités politiques confondues1.
Le Conseil Général des Hautes Pyrénées s’apprête à prendre position dans ce débat brûlant, et devrait s’exprimer à la fin de l’année 2004.
Pour neutraliser les pressions exercées en faveur de ce projet absurde de TCPTCPTraversée Centrale des Pyrénées, nous devons nous élever et faire bloc. Notre mouvement doit s’étendre et se structurer. Solidaires, nous parviendrons à dénoncer et à endiguer les fausses politiques environnementales qui progressent au mépris des règles élémentaires de la « démocratie participative ».
[1] Cette carte, diffusée dans le « Livre Blanc de la TCP, Ouvrir en grand les portes de l’Europe » (diffusé par la région Midi-Pyrénées), montre bien la dimension transcontinentale du projet. Le port de Sines est une concession rachetée par Singapour : c’est une ouverture sur le marché asiatique. Algesiras offre la possibilité de rejoindre le continent africain.
[2] Le Comité de coordination réunit à ce jour Madame Catherine CORREGE, Conseillère Régionale ; Monsieur Georges AZAVANT, Conseiller Général du Canton d’ARGELES GAZOST ; Monsieur Jacques BEHAGUE, Conseiller Général du Canton de LUZ-SAINT-SAUVEUR ; Madame Josette BOURDEU, Conseillère Générale ; Monsieur CASTELLS, Conseiller Général du canton de BAGNERES DE BIGORRE ; Monsieur Marc LEO, Conseiller Général du Canton d’AUCUN ; Monsieur Bruno LEPORE, Conseiller Général du Canton de ST PE DE BIGORRE ; Monsieur José MARTHE, Conseiller Général du Canton de LOURDES Ouest ; Monsieur Gérard CLAVE, Président de l’Amicale des Maires des cantons de LOURDES EST, LOURDES OUEST et SAINT PE DE BIGORRE ; Monsieur André PUJO, Président de l’Amicale des Maires du Canton d’ARGELES GAZOST ; Monsieur Jean-Pierre ARTIGANAVE, Maire de LOURDES ; Monsieur Robert COLL, Maire d’ARGELES GAZOST ; Monsieur Noël PEREIRA, Maire de PIERREFITTE NESTALAS ; Monsieur Gérard TREMEGE, Maire de TARBES.
Représentants des associations d’opposition à la TCP : Mme la Présidente d’ACTIVAL ; Monsieur le Président de NO PASARAN.