Les JO d’hiver pourraient être pris en otage par les manifestants du Val de Suse, qui veulent empêcher le TGV de passer chez eux.

Le Figaro du 8 décembre 2005
Publié le 10 décembre 2005, mise à jour le 4 juin 2007

La tension monte dans le Piémont. Les Jeux olympiques d’hiver prévus du 10 au 26 février à Turin risquent d’être pris en otage par les protestataires du Val de Suse, qui entendent empêcher le futur TGV Turin-Lyon de passer par leurs alpages. Mercredi soir, plusieurs milliers de manifestants de gauche sont descendus de la vallée et ont déferlé sur Turin, distante d’environ 60 km. Ils ont bloqué rues et gares. Certains ont dévasté la toute nouvelle boutique olympique et pris d’assaut un édifice public où était retranché le gouverneur de la région, la postcommuniste Mercedes Bresso. Hier, le trafic restait paralysé dans l’ensemble du Val de Suse, traversé par l’autoroute du Fréjus et par la ligne ferroviaire entre France et Italie. Une nouvelle manifestation est prévue le 17 décembre à Turin.

L’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été l’évacuation d’un chantier occupé par des protestataires, Verts, communistes et antimondialistes en tête. Après vingt jours de face à face, le ministre de l’Intérieur, Giuseppe Pisanu, a donné l’ordre de « rétablir la légalité républicaine ». L’opération fut menée en pleine nuit par la police. Deux barricades et une baraque ont été démantelées. Les autorités veulent permettre le début du forage de la « descenderie » (galerie d’exploration) qui doit permettre de vérifier les conditions statiques et géologiques du massif alpin. Bruxelles en fait la condition du maintien de son financement au projet du TGV.

Feu vert de Romano Prodi

C’est le gouvernement de gauche de Romano Prodi, en 1996, qui avait donné le feu vert au TGV (Treno Alta Velocita, ou TAV, en italien). Un ministre des Transports postcommuniste, Pierluigi Bersani, a signé en 1999 l’accord franco-italien engageant les premiers travaux. A son arrivée au pouvoir en 2001, Silvio Berlusconi a poursuivi le dossier avec détermination. Aujourd’hui, l’ensemble des partis et des syndicats italiens conviennent de la nécessité de réaliser l’ouvrage, qui comporte le creusement d’un tunnel ferroviaire de 53 km de long dans le Val de Suse. Le 30 octobre, le chef de l’Etat, Carlo Azeglio Ciampi, réaffirmait que « l’Italie ne pouvait se permettre d’être tenue à l’écart des grands réseaux de transport européens ».

Protection de l’environnement

Les opposants mettent en avant des considérations d’utilité, de coût mais aussi de protection de l’environnement. La protestation des maires des trente-sept communes de, la vallée, pour la plupart des élus de gauche, a pris à contre-pied Romano Prodi. Après avoir longtemps louvoyé, le chef de l’opposition a pris pour prétexte l’intervention policière pour accuser le ministre de l’Intérieur d’avoir commis une « grosse erreur » et reprocher au gouvernement de ne pas vouloir dialoguer avec les protestataires. A sa suite, tous les dirigeants de la gauche ont attaqué le gouvernement Berlusconi. Le secrétaire des Démocrates de gauche (DS, ex-PCI), Piero Fassino, qui est originaire du Val de Suse, a parlé d’une intervention policière « inadmissible ».

La majorité, elle, fait bloc derrière Berlusconi, qui avait donné carte blanche à l’intervention. « Il est plus facile pour Romano Prodi de s’en prendre au ministre de l’Intérieur qui ne fait que son devoir que de s’interroger sur les ambiguïtés qui traversent sa propre coalition », a commenté le centriste Marco Follini. Pour sa part, l’éditorialiste Sergio Romano a estimé que l’ambiguïté se trouvait dans les deux camps. Il a souligné la différence d’attitude des Verts, des communistes et des communautés montagnardes, à propos du tout-ferroviaire, en France et en Italie. Vérité en deçà des Alpes...

Richard Heuzé


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