Quelques nouvelles du Lyon - Turin - Vous trouverez certainement beaucoup de similitudes avec ce qui nous menace. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Turin contre le projet de TGV transalpin
LE MONDE | 19.12.05 | 14h03 • Mis à jour le 19.12.05 | 14h03 VAL DE SUSE (ALPES ITALIENNES) ENVOYÉ SPÉCIAL
L’affiche clouée sur le poteau dit de ne pas jeter d’ordures. Dommage qu’il s’agisse d’un terrain vague, près du stade, qui va être utilisé bientôt comme décharge pour les débris lors du creusement des tunnels de la ligne du TGV Lyon-Turin. Ici à Almese, l’un des premiers villages en remontant le val de Suse, on est immédiatement au coeur du problème. « Notre montagne contient de l’amiante. En quelle quantité, nous ne le savons pas, mais il y en a. C’est même écrit dans les cartes géologiques et une étude de l’université de Sienne en a trouvé en superficie, qui sait en profondeur ! », s’exclame Ivana Galiano, membre du comité anti-TGV. Un tunnel de service doit être creusé à proximité et les détritus seront stockés à moins de 200 mètres de l’endroit où les gamins du village viennent jouer. « Qui peut nous assurer que les poussières mortelles, même à petites doses, de l’amiante, ne s’échapperont pas ? », se demande-t-elle. La présence d’amiante et d’uranium à l’état naturel dans les montagnes de la vallée revient dans tous les discours. On se dit inquiet de passer les vingt prochaines années avec des millions de mètres cubes de matériaux dangereux qui circuleront dans les parages. Cette inquiétude a été au centre de la manifestation nationale du samedi 17 décembre à Turin. Des dizaines de milliers de personnes ont défilé pour faire connaître les raisons de leur opposition à la ligne à grande vitesse. Ainsi, dans les permanences anti-TGV, le long de la vallée, on balaie d’un geste de la main l’accusation de défendre le pré carré. « Nous, les gens de la vallée, nous avons déjà donné. Chez nous passent deux routes nationales, une autoroute, une ligne électrique à haute tension et une ligne ferroviaire, s’écrie Silvio. Il y en a assez d’être traité d’égoïstes. » Simplement, les opposants ne voient pas l’utilité de rajouter une deuxième ligne ferroviaire alors qu’il suffirait de renforcer celle existante, utilisée aujourd’hui à 40 % de ses capacités. « En deux ans et avec un coût dix fois inférieur à celui de ce tunnel absurde, on multiplierait par trois les camions et les marchandises transportés », estime un manifestant. Il rejette l’argument selon lequel les poids lourds qui font la route aujourd’hui seront transportés par voie ferroviaire. « Qui nous dit que dans vingt ans les camionneurs choisiront le fret ? Fera-t-on une loi pour les obliger ? » UNE NOUVELLE ÉTUDE Des études d’éminents professeurs démontant le projet de TGV passent de main en main. Côté italien, on insiste d’abord sur le transport de marchandises. « Ce n’est pas le besoin de vitesse qui prime dans ce genre de trafic ferroviaire », fait-on remarquer. Antonio Ferrentino, le président de la Communauté de montagne de la vallée répète, lui, que l’on ne se lance pas dans un ouvrage d’une telle ampleur contre les populations du territoire traversé. Après les accrochages de début décembre entre la police et les occupants du site où devaient démarrer les travaux, la situation a risqué de dégénérer. Puis les collectivités locales ont été reçues au début du mois à Rome et le gouvernement de Silvio Berlusconi s’est engagé enfin à lancer une nouvelle étude de l’impact sur l’environnement. Une première victoire pour les gens de la vallée. Salvatore Aloïse Article paru dans l’édition du 20.12.05