La traversée des Pyrénées au menu du sommet franco-espagnol

Le Monde du 18 / 10 / 2005
Publié le 18 octobre 2005, mise à jour le 4 juin 2007


Des deux côtés des Pyrénées, les habitants et les élus seront particulièrement attentifs aux discussions du sommet franco-espagnol, qui devait se tenir, lundi 17 octobre, à Barcelone et au cours duquel sera, une nouvelle fois, examinée la question du franchissement des Pyrénées. « Ça ne peut plus durer. Ce n’est plus possible de supporter le passage chaque jour de 12 000 camions » , assène José Antonio Santano, le maire d’Irun, commune espagnole, à la frontière entre la France et l’Espagne, côté Atlantique.

La société des Autoroutes du sud de la France dénombre une moyenne quotidienne de 8 000 poids lourds, dans les deux sens confondus, sur l’autoroute A63. Des pics de plus de 9 000 véhicules sont parfois constatés le mercredi, une journée qui ne bénéficie pas des restrictions de circulation imposées le week-end.

Même constat du côté méditerranéen. « Si les bouchons de liège se portent mal dans les Pyrénées-Orientales, les bouchons routiers, eux, se portent bien » , dénonçait cet été avec humour un tract du Bloc Catala. Ces militants régionalistes s’inquiètent moins des milliers de camions qui passent chaque jour la frontière sur l’autoroute A9 que des embouteillages qui se multiplient sur les routes nationales, même en dehors de la période estivale, et qui se répercutent jusqu’à Perpignan, empoisonnant la vie quotidienne des habitants.

Depuis l’entrée de la péninsule Ibérique dans l’Europe en 1986, le trafic à travers les Pyrénées va croissant à un rythme de quasi 10 % l’an. Le rapide développement de l’Espagne, la suprématie du camion (90 % des volumes terrestres échangés) face à un chemin de fer handicapé par la différence d’écartement des rails et l’essor des liaisons avec le Maghreb, tout concourt à rendre la situation critique.

COÛT COLOSSAL

D’autant plus que, à la différence des Alpes, les Pyrénées sont un massif compact, plus difficilement franchissable si ce n’est à ses extrémités (Hendaye et le Perthus concentrent 95 % du trafic routier lourd). Au total, plus de 5 millions de camions passent chaque année les frontières pyrénéennes.

Des plus compliquées aux plus immédiatement réalisables, les solutions ne manquent pourtant pas. C’est leur financement qui fait souvent défaut. Le percement du tunnel ferroviaire sous le Perthus pour la future ligne TGV Perpignan-Figueras n’a débuté que le 19 juillet (Le Monde du 22 juillet), dix ans après la signature du traité de Madrid entre la France et l’Espagne.

Pour respecter leurs engagements, les deux Etats ont concédé les travaux et l’exploitation de la ligne à un consortium d’entreprises privées. Cette première expérimentation d’un partenariat public/privé se double d’une autre originalité en matière ferroviaire : la ligne à grande vitesse, initialement prévue pour le transport des voyageurs, devrait aussi laisser passer des trains de marchandises. L’ouverture est prévue en 2009 pour un coût annoncé supérieur à 1 milliard d’euros.

Plus ambitieuse, une traversée centrale des Pyrénées sous le massif du Vignemale (Hautes-Pyrénées) serait exclusivement réservée au fret. Comme pour l’axe Lyon-Turin, son coût est colossal (6 milliards d’euros) et sa réalisation n’est pas envisageable avant une vingtaine d’années au moins.

Aux réserves technico-économiques s’ajoutent de fortes réticences locales de la part des élus et de la population de la vallée des Gaves, effrayés à l’idée de voir passer « un train toutes les six minutes » sur une ancienne ligne SNCF désaffectée où ne roulent plus désormais que des vélos et des rollers. Même l’eurodéputé Gérard Onesta (Verts), pourtant partisan du développement du ferroutage, a fait machine arrière sur le projet. Il refuse désormais « d’ajouter de la nuisance aux nuisances ».

« ON TEMPORISE »

Quant à la réouverture, très symbolique, de la ligne Pau-Canfranc par le vieux tunnel ferroviaire du Somport, elle est toujours à l’état de projet. Ses partisans affirment pourtant qu’il suffirait de 90 millions d’euros pour faire à nouveau passer des trains sur cette ligne, fermée depuis 1970. « Du côté espagnol, on s’active en modernisant, tandis que du côté français on temporise et on renie aussi bien les engagements des différents sommets franco-espagnols que l’évidence économique » , s’indigne le Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc.

Outre les financements, la volonté politique est nécessaire. C’est ce qu’ont réclamé, les 15 et 16 septembre, les régions françaises et espagnoles mitoyennes du massif pyrénéen, réunies dans la Communauté de travail des Pyrénées (CTP). Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Catalogne, Aragon, Navarre, Pays Basque et la principauté d’Andorre se rencontrent depuis vingt ans dans cet organisme.

Au départ consultatif, il vient de se donner une personnalité juridique en adoptant le statut de consorcio ou communauté transfrontalière de collectivités, autorisé par le traité de coopération franco-espagnol signé à Bayonne, le 10 mars 1995.

L’animation de la CTP, qui est tournante, est aujourd’hui assumée par le président du Pays basque, Juan José Ibarretxe. Ses membres veulent être partie prenante aux réflexions et décisions concernant les Pyrénées. Ce fut le cas le 7 décembre 2004 lors du précédent sommet à Saragosse, mais du seul côté ibérique, le gouvernement français ayant montré moins d’enthousiasme.

Le sommet de Barcelone constituera donc une grande première, puisque les régions françaises et les communautés autonomes espagnoles seront associées à la rencontre entre José Luis Rodriguez Zapatero, le président du conseil espagnol, et Dominique de Villepin, le premier ministre français.

Cependant, les régions françaises auront un rôle à la hauteur de leurs compétences : leurs pouvoirs et moyens financiers limités ne les autorisent guère à entamer de grands chantiers. Au moins pourront-elles se mettre d’accord sur un agenda, des méthodes de travail et une liste de sujets à traiter en priorité.

Michel Garicoïx et Stéphane Thépot

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